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Egon Schiele
   


Egon Schiele
Autoportrait
1913

 

 

 

 

 

 

 


Gustav Klimt
Femme assise aux cuisses écartées
1916-17


Egon Schiele
Fille se donnant du plaisir
1910


Egon Schiele
Nu allongé aux jambes écartées
1914

N'auraient été les formidables collègues avec qui j'étais venu travailler là, j'aurais trouvé mon séjour à Vienne en 1995 des plus ennuyeux malgré mon engouement pour la peinture de Klimt lors d'une visite au Wiener Allgemeinen Krankenhaus (hôpital général). La pompe monumentale, le culte de Mozart et les pâtisseries m'ont laissé de marbre. Je suis retourné en Autriche en 2002 pour y skier quelques jours. Comme la première fois, ce n'est pas le Stroh, ce spiritueux qui titre quatre-vingt degrés d'alcool, qui m'a rendu la vie et la nourriture autrichiennes moins fades - on en a réellement très vite fait le tour, ça n'est ni une idée, ni un ethnocentrisme, ni du chauvinisme. A ce moment-là, les autrichiens venaient qui plus est de porter au pouvoir Jörg Haider, un nationaliste populiste d'extrême droite qui avait rendu en 1989 hommage à la politique de l'emploi du IIIème Reich et avait exprimé en 1995 le sentiment d'honneur que lui inspirait la Waffen-SS. En Autriche, ce n'est pas la cuisine qui sent mauvais.

Mais ce petit pays au passé impérial n'a heureusement pas donné le jour qu'à Adolph Hitler, il a vu naître la psychanalyse et un mouvement artistique des plus intéressants parmi les courants de l'Art nouveau, la Sécession viennoise (Sezessionsstil ou Wiener Secession en allemand) - de 1892 à 1906. Les trois peintres majeurs du mouvement sont Oscar Kokoschka, probablement le plus difficile d'accès des trois, Gustav Klimt, probablement le plus connu, et Egon Schiele, probablement le plus obscur.

La découverte de l'oeuvre d'Egon Schiele a été pour moi un choc ... et a fini par me faire poser le crayon : je lui dois d'avoir arrêté de dessiner et peindre, ou à peu près.

Mort en 1918 à l'âge de 28 ans de la grippe espagnole trois jours après sa femme enceinte, Egon Schiele fut une comète qui fit exploser non seulement les codes de bonne conduite pourtant lâches dans le domaine des Arts, même en Autriche, mais surtout les codes de l'académisme, qui étaient bien plus rigides. L'érotisme singulier de ses dessins et des accusations de détournements de mineures le conduisirent en prison. Son maître, Gustav Klimt, s'y entendait en matière de dessins érotiques mais aucun ne dégagèrent jamais le souffre des mines de plomb de Schiele.

Provocante, l'oeuvre de Schiele l'est assurément car elle continue à susciter le malaise pour nombre de personnes : son rapport à la mort, à la nudité et à l'érotisme, les poses de ses modèles qui semblent souvent désarticulées, leur jeunesse parfois, les couleurs utilisées, les thèmes travaillés, tout concourt à repousser certains spectateurs : pas tous, cependant ! J'ai souvenir d'une queue interminable devant une exposition au Musée de la Seita à Paris qui en janvier 1993 m'a fait me lever aux aurores le lendemain, un dimanche, pour y échapper : on se serait cru devant une boucherie polonaise en 1981 un jour de saucisses.

Le trait de Schiele est extraordinaire. Des témoins ont décrit sa technique : après avoir saisi la mine de plomb, il traçait de façon sûre à main levée, sans jamais un repentir ou un coup de gomme, quitte à reprendre le trait à un autre endroit pour l'emmener ailleurs. Sa connaissance anatomique ne connaît pas de faille. La justesse crue du fil de la mine de plomb est confondante : elle m'a dégoûté à jamais de pouvoir l'imiter, non que j'eusse jamais envie de savoir dessiner de la sorte mais, après avoir passé des années à tenter sans succès d'être juste sans plus "faire ressemblant", sans doute ce qu'on nomme parfois le style, j'ai renoncé devant un maître définitif et trop écrasant.


Egon Schiele
Schiele dessinant un modèle nu devant un miroir
1910

 

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